Interview de Jean-Luc, éleveur de Limousines à Trasrieux

Voici une suite de questions /réponses  entre Jean-Luc Seignez et Gisèle à propos de la gestion de l’eau et la préparation de la viande.

A propos de la sécheresse, êtes-vous limités dans les arrosages ?

Nous pouvons arroser avec l’eau de notre étang. Nous sommes assez sûrs de la qualité de notre eau (approvisionnement de l’étang sur sources).Nous sommes cependant soumis (loi sur l’eau) à des déclarations d’utilisation et à une redevance (!). Il n’est pas impossible que dans un contexte de pénurie, l’administration pour qui nous sommes donc connus(cf. plus haut) nous  impose des restrictions (voire des interdictions).

Nous essayons d’avoir une gestion responsable de cette ressource: utilisation minimum (incontournable pourtant pour l’arrosage des serres); c’est un exemple des tensions qui peuvent exister entre une gestion bureaucratique et une réalité de terrain gérée de façon responsable par des acteurs compétents…

Les principales perturbations pour nous sont d’abord une charge de travail supplémentaire (ce qui fait qu’on ne met en route le réseau d’irrigation en plein champ que quand cela devient vraiment indispensable et donc souvent en retard par rapport aux besoins physiologiques des plantes) -nous allons devoir y passer dans les prochains jours-;autres problèmes, une levée des semis aléatoire si elle se fait à l’arrosage, des plantes qui peuvent végéter si il n’y a pas un bon suivi; la sécheresse est aussi accompagnée de températures trop élevées ce qui provoque des stress que l’irrigation seule ne peut pas effacer , sans parler  de l’efficacité amoindrie de l’eau sur une plante qui  « se ferme » c’est-à- dire qui physiologiquement est plutôt disposée à limiter sa transpiration…

Ferez-vous les foins plus tard que d’habitude ?

C’est mon grand sujet d’inquiétude du moment (le « beau » temps dont on nous parle à la télé m’exaspère; si les gens savaient que leur survie dépend de cela  ils relativiseraient le « beau »).

Donc pour nous le pronostic est mauvais: par rapport à une année ordinaire je n’ai plus que 8 à 10 jours d’herbe pour mes bêtes alors qu’en cette saison il faut un « stock » d’environ 25 à 30 j. Donc après je vais faire consommer ce qui était prévu pour les foins; De toute façon petite récolte en rendement et en plus diminution des surfaces…

Les mesures à prendre:

J’ai pris contact ce matin pour acheter du foin mais il n’y a quasiment plus de stock nulle part, les cours sur la prochaine campagne sont entrain de devenir astronomiques (ils étaient déjà très élevés l’an dernier), restera la « solution « de vendre des bêtes; je n’en suis pas encore là mais je commence à y penser.

C’est donc encore trop tôt pour avoir une idée sur l’impact possible en terme de livraison de viande…

Le peu de foin risque d’être récolté plus tôt (murissement plus rapide) et permet de faire un pari sur une deuxième coupe ,ce qui reste très aléatoire et de toute façon ne permet pas de compenser le déficit de la première coupe (au mieux on peut un peu limiter la casse).

Où les bêtes sont elles abattues ? Par qui ?

Actuellement mes bêtes sont abattues à coté de La Châtre (36) à une heure cinquante de la ferme mais Eymoutiers (15mn) a fermé, Limoges (1 h) c’est l’usine, Bessines (1h 15) où j’allais précédemment a été racheté par un privé( augmentation exagérée des tarifs, problème de traçabilité sur les abats, mauvaise relation avec les particuliers que nous sommes etc.).

Nous travaillons avec un collectif pour la réouverture de l’abattoir de proximité de Eymoutiers qui serait géré par les paysans…peut-être pour 2012 si les politiques ne nous trahissent pas une nouvelle fois…

Les bêtes sont abattues par le personnel de l’abattoir qui est spécialisé.

Où la viande est-elle stockée?       Qui la met sous vide ?

La viande est ensuite mise a « ressuyée » dans différentes chambres froides sur place avant d’être transférée sur le lieu de découpe qui dispose aussi d’une très bonne petite chambre froide.

Ensuite, la viande est découpée par un boucher professionnel qui fait du travail exclusivement pour des paysans en vente directe, et je la mets sous vide au fur et à mesure de la découpe.

Est-ce que ton boucher laisse la viande maturer ?

La maturation… vaste sujet…en général nos carcasses de génisses attendent 7 ou 8 jours avant d’être découpées. (je prends un peu plus de temps pour les bœufs- 12 j-). Mon boucher (qui a une très grande pratique et une expérience de tous les métiers de la boucherie) prétend que la maturation ne joue qu’à la marge sur la tendreté : « une bête qui est tendre est tendre au départ; une bête qui n’est pas assez tendre au départ ne vas pas beaucoup s’améliorer ».Il indique par contre que la maturation a un impact en terme de gout

Autres aspects, plus une viande rassit plus il y a déshydratation et noircissement en surface qui demande du parage et génère de la perte. Après il faut en effet distinguer le type d’animaux( âge, sexe) et la race.

La maturation se justifie sans doute plus à mesure que les animaux sont plus âgés  et plus pour les mâles que pour les femelles à âge égal.

La limousine est sans doute une race qui supporte bien une moindre maturation car le grain de viande est plus fin et elle est plus naturellement « persillée » (à la différence par exemple du charolais).

Ce qui fait aussi beaucoup la différence c’est la finition des animaux: le degré d’engraissement qui développe ou non le « persillé » (il faut savoir que dans un muscle il peut y avoir jusqu’à 30% de matière grasse non visible et que c’est elle qui fait la tendreté).  Après il y a aussi des disparités génétiques qui peuvent expliquer des différences entre deux animaux élevés exactement de la même manière.

Enfin il semble que le « sous vide »(expulsion d’une partie des jus) et surtout la congélation aient un impact sur la tendreté.

A chacun de faire le bilan avantages/inconvénients de chaque pratique.

Ah oui, j’oubliais: il est devenu quasiment impossible de laisser les carcasses maturer à l’abattoir: faire tourner des frigos coûte cher, tout est « flux tendu » donc …aller vous faire maturer ailleurs!

Merci à toi Jean-Luc d’avoir répondu aussi précisément à mes questions. Rendez-vous pour les AMAPiens lors des prochaines livraisons pour la suite de cette discussion.



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